DROIT DE LA CONSOMMATION

Hertz : une jurisprudence pas si fréquente

Cass. 1ère Civ. 11 janvier 2017 ; n°15-25.479

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033882289&fastReqId=719479148&fastPos=1

 

« De la tranquillité du conducteur, à la sécurité du consommateur ». Telle pourrait être la morale du présent arrêt.

Un particulier avait loué un véhicule utilitaire dans une agence Hertz, et souscrit une option de suppression partielle de franchise dite « CDW ». Le client, rassuré par une mention figurant en caractères très apparents dans les conditions, selon laquelle la franchise serait limitée à 900€ par sinistre, s’estimait suffisamment protégé. La seule option supprimant toute franchise en cas de sinistre dans ce réseau, dite « Pack Tranquillité Plus », n’était pas proposée dans cette agence.

Il fut victime d’un accident endommageant le véhicule. Le loueur ne manquait pas de lui réclamer le règlement de toutes les réparations, bien au-delà des 900€ mis en évidence dans les conditions du contrat. Il se prévalait d’une autre clause, faisant exception à la première lorsque le sinistre atteint les parties hautes du véhicule.

Un litige s’engageait, dont l’issue dépendait de la validité de cette dernière clause. Fallait-il en faire application, et mettre à la charge du client l’intégralité du coût des réparations ? Ou considérer, en raison de l’irrégularité de celle-ci, que seule la franchise de 900€ pouvait être demandée ?

Plusieurs réponses ont été successivement apportées. Le tribunal d’instance, saisi le premier, écartait cette clause, qu’il considérait comme abusive. Il est vrai que des loueurs de voitures avaient déjà vu certaines de leur clauses, rédigées dans des termes très proches, écartées comme abusives (Cour d’Appel de VERSAILLES 20/2/2004 N° RG 2002/03-374, publié par le Service de la Documentation de la Cour de Cassation sur le site Légifrance). Mais la clause litigieuse en différait, certes à la marge, dans sa rédaction.

La cour d’appel décidait quant à elle de saisir la commission des clauses abusives, pour avis. Par délibération du 14 mai 2013, la commission considérait qu’il n’y avait pas lieu à donner avis, dans la mesure où la stipulation litigieuse devait recevoir une interprétation favorable au consommateur, sur le fondement de l’article 133-2 du code de la consommation. Dès lors, que le contrat de consommation comporte une ambiguïté, y compris due à la présence de clauses au sens contradictoires, il doit s’interpréter en faveur du consommateur. La cour d’appel de Reims (CA Reims 3 juillet 2015, RG 14/02582) a retenu cet argument de droit, invalidé la clause des conditions de Herz dont la société se prévalait, et l’a condamnée à restituer à son client le montant des réparations déjà payées.

La cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé par la société. Il est rejeté dans ces termes :

Mais attendu que, selon l'article L. 133-2 du code de la consommation, devenu L. 211-1 du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-310 du 14 mars 2016, les clauses des contrats proposées par des professionnels à des consommateurs qui ne sont pas rédigées et présentées de façon claire et compréhensible s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu'ayant relevé, dans le paragraphe 4 du contrat, la contradiction existant entre la mention de pleine responsabilité pour les parties hautes du véhicule et la dernière phrase du paragraphe qui restreignait la responsabilité au montant de la franchise contractuelle, la cour d'appel, interprétant, en faveur du consommateur, ces stipulations qui n'étaient pas rédigées de façon claire et compréhensible, a retenu, à bon droit, qu'elles devaient se lire comme limitant la responsabilité de celui-ci à la franchise maximale de 900 euros ; que le moyen n'est pas fondé »

La bonne foi contractuelle et la sécurité du consommateur y gagnent. On ne peut pas dire une chose, et son contraire,  de manière obscure, dans une même convention, surtout dans un contrat d’adhésion. La curiosité du lecteur reste cependant en partie insatisfaite : cette clause des conditions générales de Hertz était-elle abusive ? Gageons que d’autres barrières, hayons, et portiques donneront l’occasion au juge de le dire. Ce d’autant que les services juridiques des sociétés concernées, fines lectrices de la jurisprudence, semblent après chaque arrêt important réécrire leurs conditions, mais au plus proche de leur intérêt. La clause abusive dans ces contrats n’a pas dit son dernier mot. La simple consultation du site de la commission des clauses abusives montre l’importance du contentieux lié à ce type de contrat. (http://www.clauses-abusives.fr/?s=loueur&submit=Recherche).

 

Emeric LACOURT, avocat

 

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